• BLACK OUT

    Souvenirs de mon premier voyage en Angleterre

     

    BLACK OUT


    J’avais 17 ans, et je participais à un voyage scolaire organisé par les professeurs de mon lycée. Nous avions voyagé toute la nuit, pour arriver, harassés, au petit matin, dans la Gare de Victoria Station, à Londres. A près cette nuit blanche, nous ne demandions qu’une chose : nous poser, manger, et dormir.

    Mais les familles anglaises qui devaient nous accueillir et nous loger, ne nous attendaient que pour midi, et il était sept heures du matin.

    Nous avions donc cinq bonnes heures à tuer, avant de pouvoir nous reposer. Notre professeur d’anglais proposa donc de mettre à profit ce laps de temps, pour visiter l’Abbaye de Westminster.

    Notre petite troupe s’ébranla, sans conviction, traînant derrière elle sacs et valises, dans le brouillard matinal londonien.

    Nous arrivâmes finalement devant le monument, une majestueuse cathédrale gothique, qui sert de nécropole aux plus grands rois et personnages d’Angleterre.

    Nous y pénétrâmes un a un. Je me laissai envahir par la beauté du lieu, et sa solennité tandis que mes camarades, hagards et hébétés par la fatigue, se laissèrent tomber sur la première chaise venue.

    Je me hasardai donc, dans la nef principale, puis, arrivée devant l’autel, j’empruntai les chemins latéraux du transept, et m’attardai devant les chapelles royales, et surtout, devant le « Coin des Poètes » dédié aux principaux écrivains du Royaume, dont William Shakespeare, et Charles Dickens.

    Puis, gagnée également par la fatigue, je rejoignis mes camarades.

    Je m’affalai sur une chaise de la nef principale, et me laissai bercer par les litanies de l’office religieux, qui commençait. Le prêtre était habillé d’une soutane blanche ornée d’une bande verte, signe distinctif de la religion anglicane. Ses paroles résonnaient dans l’abbaye, tandis qu’il prononçait son sermon. A certains moments, il se tournait vers nous, et nous regardait, comme s’il quêtait notre approbation.

    J’aurais bien été en peine de la lui donner, car je ne comprenais pas un traître mot de ce qu’il disait. Je continuai, néanmoins à le regarder nettement, essayant de me concentrer afin de saisir quelques bribes de son sermon. Mes camarades, semblaient aussi perdus et désorientés que moi, certains dormaient même carrément, affalés sur leurs sièges.

    Une fois la messe achevée, le prêtre descendit de sa chaise, parla à quelques fidèles, puis s’avança vers moi. Il me parla aussi mais je ne parvenais pas à saisir ce qu’il me disait. Ses paroles se perdirent donc dans les murmures de la foule, et la confusion de mes pensées. Néanmoins, je tentais de me concentrer pour mieux entendre, et je m’approchai de lui. Mais je le voyais s’éloigner de plus en plus, jusqu’à ce qu’il soit réduit à une silhouette qui me désignait le vitrail du doigt.

    Je les regardais tous les deux, le vitrail et lui, tandis que ses lèvres continuaient à bouger sans qu’aucun son n’en sorte, et que son regard restait fixé sur moi.

    Tout à coup, tout ce qui m’environnait commença à tourner. Les pas des passants résonnèrent sur les dalles dans un vacarme assourdissant, tandis que la douleur martelait mes tempes. Les couleurs du vitrail se mélangèrent, et s’intensifièrent. Je parvenais tout de même à distinguer la silhouette du prêtre, mais elle devenait de plus en plus floue, se mêlant aux couleurs du vitrail.

    Tout tournait de plus en plus vite, le vitrail, le dallage, l’autel, la silhouette, les passants, les chaises de mes camarades… Voyant cela, je tentai de me lever. Peine perdue, malgré mes efforts, pas moyen de m’arracher à cette maudite chaise. Une main invisible semblait me clouer sur place, tandis que je voyais les piliers se resserrer, comme pour me barrer le passage.

    Puis il émana de l’autel une lumière jaune, presque blanche, aveuglante, comme on peut en voir dans les rêves. Une lumière plus blessante que celle du Soleil. Une lumière froide qui attirait les objets à elle, absorbait leurs couleurs, les vidait de leur substance et s’en nourrissait pour renforcer son énergie.

    Malgré la douleur, je ne parvenais pas à détourner les yeux, ni même à fermer les paupières. Chaque effort était un supplice, donc j’abandonnai la lutte.

    Alors, les piliers s’écartèrent, ma chaise fut arrachée au sol, aspirée par cette force diabolique. Comme je m’approchais du centre du Vortex , je pouvais percevoir sa substance, qui devenait presque palpable. Elle était fluide, et pourtant, elle écrasait ma tête à l’en faire éclater.

    Mais ce fut elle qui éclata, dans un tourbillon d’étincelles.

    Un gouffre noir apparut à la place de l’autel déserté. Ce gouffre s’élargissait, de seconde en seconde, et finit par absorber la nef tout entière. Alors je tombai, à une vitesse vertigineuse, dans cet abîme sans fond.

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  • Commentaires

    1
    carobeli Profil de carobeli
    Jeudi 28 Avril 2011 à 11:07

    Nouvelle que j'ai écrite à 17 ans au retour de mon voyage en Angleterre...


    Je l'aime particulièrement car elle témoigne de la fraicheur et de la naiveté qui m'animaient à l'époque...


     J'ai juste retouché le début, le reste est demeuré tel quel.

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